Nous avons couvert en détail la crise de l’énergie. Nous avions alors soulevé l’absence de lien que les consommateurs faisaient entre cette crise et le contrat qui les attendait. Le sujet de la hausse des prix de détail est maintenant dans toutes les têtes avec la réalité des nouveaux contrats d’énergie 2023 qui vient heurter de plein fouet les entreprises, les particuliers et les collectivités. Les budgets pour 2023 par rapport à 2022 pourraient être multipliés par 2, 3 ou 6. Simultanément, le risque de coupure et de pénurie n’a jamais été aussi prégnant : il est indispensable d’agir sur la demande. Des confusions existent néanmoins sur les annonces de la commission européenne ou du ministère de l’économie. Vous vous posez des question sur les conditions de négociation de votre prochain contrat ? Qu’impliquent les actions européennes et françaises ? Tour d’horizon sur une situation pour le moins inédite.
L’électricité sous tension
RTE nous gratifie d’Ecowatt (la météo de l’électricité est reprise sur notre blog). Si Ecowatt existe, c’est que le gestionnaire de transport d’électricité a mis l’hiver sous vigilance. Des risques de coupures existent. Des actions simples de sobriété sont possible par tous les consommateurs (voir nos articles) pour réduire la facture du contrat d’énergie 2023. Le manque d’eau, de vent et bien sûr de production nucléaire déséquilibrent la balance offre et demande. La consommation de cet hiver, étroitement corrélée aux températures, pourrait mécaniquement baisser. Une récession au niveau européen est possible. Après un pic inimaginable fin août, les prix de gros de l’électricité se sont un peu calmés. Ils anticipent toujours un équilibre précaire en 2023 et jusqu’à 2025.
Si ces prix reflètent certainement de la spéculation, ils permettent de garantir l’équilibre du système électrique grâce au signal prix. Un prix élevé fait baisser la demande. Il fait aussi investir dans l’offre. Ces prix de gros permettent de construire les prix des contrats d’énergie. Ainsi, les propositions reçues par les consommateurs professionnelles dépassent parfois l’entendement. Vous avez pu obtenir une offre de contrat ? Les prix affichés dépassaient parfois allègrement les 1000€/MWh sur l’hiver (la plupart des contrats sur 2021 étaient en dessous de 100€/MWh). Cette hausse est impossible à absorber pour beaucoup. Certaines entreprises décident de fermer ou de ralentir leur activité dès maintenant. Le politique a incité les clients à ne pas signer ces contrats. Vu l’urgence, le ministère de l’économie a même convoqué les fournisseurs (le 5 octobre). Plus pragmatiques que des convocations, des systèmes d’aides et de taxation sont mis en place.
Quelles actions politiques ?
Après le concours Lépine des idées pour limiter la hausse des prix de l’électricité, les ministres de l’énergie européens se sont mis d’accord pour limiter la rente des producteurs d’électricité. Les revenus seront plafonnés à 180€/MWh. L’excédent sera taxé à 100% par les états. Par exemple, si un producteur éolien vend son électricité pour 2023 à 530€/MWh (le prix de gros du 06 octobre), l’état captera la différence entre 530€ et 180€ (soit 350€/MWh). Pour référence, la France applique déjà ce principe pour l’éolien et l’hydroélectricité. Il a permis de soutenir le bouclier tarifaire. Il va être étendu à tous les moyens de production d’électricité et pourrait générer 26 milliards d’Euros en 2023. Ces 26 milliards (140 au niveau européen) seront alors utilisés pour le bouclier tarifaire des particuliers et les aides aux entreprises en 2023 sur le même principe qu’en 2022. Les fournisseurs, eux, continueront à construire leurs offres à partir des offres de marché. Mais ils se sont engagés à être raisonnables dans leurs propositions de contrats d’énergie (durée de validité par exemple). L’état pourra se porter caution des consommateurs auprès de ces fournisseurs. La CRE (commission de régulation de l’énergie) proposera également un baromètre des prix mis à jour toutes les semaines. Les clients professionnels auront ainsi une référence pour comparer les offres reçues même si le diable se cache dans les détails.
Et l’ARENH ?
Un élément est pour l’instant absent : la France bénéficie d’une rente nucléaire qui impose à EDF de vendre un volume de sa production à un prix régulé : l’ARENH. Volume et prix de cette ARENH sont utilisés pour construire les prix de contrats d’énergie. Mais ils restent à ce jour incertains pour 2023 (120TWh et 49,5€/MWh). L’état s’est engagé à donner les détails dans les jours qui viennent. L’ARENH est le principal amortisseur de l’explosion des prix de marché – connaitre ses paramètres permettra aux fournisseurs de proposer plus sereinement des offres compétitives.
A plus long terme, le mécanisme de l’ARENH doit être revu pour 2025. La France promeut également la révision du mécanisme de fixation des prix (pour abandonner le merit order et basculer vers l’empilement des coûts)
Le gaz pourrait manquer à moyen terme
La situation entre le gaz et l’électricité est très différente. L’Europe est fortement importatrice et dépendait (notamment l’Allemagne) des importations Russes. En quelques mois, la part de marché du gaz Russe en Europe a fondu comme les glaciers cet été. En un an, elle est passée de 40% à 8%. Le volume livré maintenant provient soit de Norvège, d’Algérie, soit des importations de GNL (par bateau méthanier – Qatar, USA…). Le niveau des stockages atteint plus de >90% en Europe et même 100% en France. Ce succès est en partie grâce … au gaz Russe acheminé au printemps et à l’été avant l’arrêt puis la destruction du pipeline Nord Stream 1. Si l’hiver est clément, les 2/3 de la consommation européenne et la solidarité entre pays devraient permettre de passer l’hiver. Les prix se sont donc assagis sur les marchés de gros mais restent à un niveau très élevé.
La question du remplissage des stocks pour l’hiver 2023 sera le prochain défi. L’Europe pourrait alors être confrontée à une limite physique : la capacité de commander, recevoir GNL et re-gazéifier le GNL. Les terminaux (depuis les pays producteurs ou les pays importateurs) ne sont pas assez nombreux.
Effet pervers : l’union européenne propose de mettre un plafond au prix du gaz. Ce plafond pourrait être efficace pour le gaz livré par gazoduc. Mais pour le GNL, la concurrence est mondiale. Si l’économie chinoise redémarre, le GNL sera dérouté vers le plus offrant. L’équilibre pourrait être complexe à atteindre et l’hiver 2023 bien plus problématique que 2022.
La situation géopolitique est ce qu’elle est – et après ?
Un hiver sans marge de manœuvre est annoncé. Les politiques se sont emparés de la question de l’énergie, peut-être trop tardivement et mettent des milliards sur la table pour protéger les consommateurs. Le signal prix était masqué car les contrats d’énergie étaient anciens. L’incitation aux économies et à la sobriété n’était pas d’actualité. La réalité se faisant jour, des mécanismes d’aides se déploient. Dans tous les cas, ce marché de l’énergie devient de plus en plus volatil et complexe à comprendre. L’annonce des prix et du volume d’ARENH et la confirmation du mécanisme d’aide pour les contrats d’énergie en 2023 permettront aux entreprises de se projeter. Et de finaliser leurs contrats sous peine de coupure.
Vos contrats d’énergie en 2023
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